SOUTIEN À GEORGES MALBRUNOT

 

2 septembre 2020

 

Texte adressé en courriel à Georges Malbrunot ce jour

 

"Cher Georges Malbrunot,

 

Ce petit mot pour vous assurer de tout mon soutien et ma solidarité face aux reproches dont vous a accablé le Président Macron.

Vous avez rendu compte d'un entretien dont personne ne se cachait entre le Président français et un député élu démocratiquement (que cela plaise ou non) du Parlement libanais.

Vous avez donc fait votre travail de journaliste d'information et il est inconvenant de vous l'avoir reproché, a fortiori publiquement et violemment

 

Si le Président avait voulu conserver un caractère confidentiel, voire secret, à ce contact, il lui suffisait de mandater à cet effet un service spécialisé  ou de lui demander d'organiser un contact direct protégé.

 

Au demeurant il serait grand temps que nos ministres et leurs conseillers, sans doute pétris de ces bonnes intentions dont l'enfer est pavé, prennent conscience qu'à exiger de la société et du monde politique libanais des "réformes" à la sauce occidentale dans le genre "one man one vote", le risque est, au pire, de rallumer les affrontements civils violents entre communautés et, "au mieux", d'amener une large majorité Hezbollah au Parlement et de promouvoir Hassan Nasrallah à la Présidence de la République.

Cela fait d'ailleurs près de 20 ans que Nasrallah réclame avec vigueur la fin du "Pacte National" et du "communautarisme".... sachant parfaitement qu'avec la « fin du communautarisme », c'est sa communauté qui dominera le pays....

 

Au delà d'une certaine jeunesse beyrouthine et bourgeoise qui s'agite sous les caméras dans les rues de la capitale libanaise et fascine nos bobos avec les encouragements du Beyrouth sur Seine, le pays reste profondément féodal et clanique, attaché aux pratiques de ses potentats locaux qui redistribuent (chichement mais réellement....) la manne de leur corruption. On ne changera pas cela dans l'urgence et sous la pression d'un Occident qui ne peut guère se prévaloir de ses réussites en Libye, en Syrie, en Afghanistan, en Irak, en Somalie, au Sahel....

 

En toute amitié."

 

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IL FAUT ABATTRE LA STATUE DE SULLY

 

11 juin 2020

 

J’ai appris hier que certains réclamaient la destruction de la statue de Colbert qui orne d’un côté l’entrée monumentale de l’Assemblée Nationale à Paris. Qualifié pour la circonstances de l’élégante épithète de « fils de pute » pour avoir promulgué au XVIIe siècle le « Code Noir » qui réglementait la propriété et l’utilisation des esclaves dans les Antilles, cet odieux ministre de Louis XIV devrait être rayé de notre mémoire collective et sa statue vouée au concassage d’une disparition bien méritée.

Mais il ne faut pas s’arrêter là ! Car trône en face de lui en une parfaite symétrie la statue de Maximilien de Béthune, duc de Sully, ministre de Henri IV dont les petits écoliers de France psalmodient depuis plus d’un siècle la fameuse mais insupportable sentence économique : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Sachant que les vaches n’ont qu’une mamelle à quatre pis, les brebis une mamelle à deux pis et que les truies ont huit mamelles, la phrase de Sully renvoie évidemment à l’image de la femme ainsi réduite à son rôle genré et domestique de femelle allaitante soumise à la domination patriarcale.

Donc, à la casse la statue de Sully dont le nom devra être définitivement rayé des livres d’histoire ! Pour Victor Schoelcher, c’est déjà fait. Des justiciers lucides ont abattu trois ou quatre de ses statues. Ce pusillanime ministre de la deuxième république a rédigé, signé et promulgué le décret d’abolition de l’esclavage en France en 1848. Mais, sans doute inexcusablement distrait ou peu convaincu de la pertinence de son initiative, il oublié d’y inclure les excuses et la repentance de sa République toute neuve. Idem ici et là pour des statues de Christophe Colomb, coupable par sa découverte de l’Amérique d’avoir ouvert la voie au génocide (bien réel il est vrai) des Amérindiens.

J’en passe tant il semble que l’arrachage, le déboulonnage et le concassage de statues est devenu un sport à la mode. J’attends d’ailleurs qu’on fasse subir le même sort aux statues de Platon, Cicéron et César, tous propriétaires sans le moindre remords d’une pléthore d’esclaves. Idem pour Pierre le Grand et Catherine de Russie, les Califes Fatimides, les Empereurs de Chine, les rois Ashantis et Yorubas, le Calife de Sokoto, les Sultans de Zanzibar. A la trappe ! A la trappe ! comme le préconisait le regretté roi Ubu.

Et pourquoi s’arrêter aux statues. Les livres sont bien plus pernicieux comme le notait Ray Bradbury dans « Farenheit 451 ». Déprogrammer les films comme « Autant en emporte le vent » est un subterfuge misérable. Il faut d’abord brûler le livre dont cet indigeste monument du cinéma est tiré. D’autant que le tout aussi indigeste bouquin de Margaret Mitchell n’est que roupie de sansonnet à côté de l’immonde « Case de l’Oncle Tom » de Harriet Beecher Stowe. Au feu, la Case l’oncle Tom ! Et que dire du « Robinson Crusoë » de Daniel De Foe qui, naufragé tout seul sur une île déserte, trouve le moyen de s’y faire un esclave en la personne de Vendredi ? Au feu Robinson ! De grands auto-da-fés sont aujourd’hui indispensables pour imposer la vérité et effacer si c’est encore possible la culpabilité des fautes d’hier, comme l’avaient fort bien compris les sages ecclésiastiques de l’Inquisition dès le XIIIe siècle et les avisés chefs fascistes du XXe siècle.

La liste des livres à brûler n,’est ni limitée ni exhaustive et il faudra dans tous les cas caviarder les portraits de Gustave Flaubert et jeter au feu son insupportable « Madame Bovary », qu’il décrit comme le modèle de la bourgeoise éthérée, femme-objet un tantinet nymphomane, volontairement soumise au désir libidineux des mâles dominateurs et à leur violence. Les plus indulgents pourront manifester un peu de tolérance au « Moby Dick » de Hermann Melville bien qu’il illustre les atteintes au bien être animal et à la biodiversité. Mais après tout, le Capitaine Achab réserve sa hargne assassine à une baleine blanche. Il n’y a que demi-mal.

On peut tout de même se féliciter de toutes ces actions qui vont au-delà de l’esquisse symbolique. Enlever sa cigarette à Lucky Luke pour la remplacer par une brin de paille était plutôt minable. Confisquer sa pipe au Monsieur Hulot de Jacques Tati n’allait pas bien loin. Des esprits forts ont même ricané de la manie de Staline de faire retoucher les photos de groupe des dirigeants du Parti communiste soviétique pour en éliminer peu à peu tous ceux qui ne lui plaisaient plus, jusqu’à se retrouver tout seul sur certaines photos « de groupe ». Nous ne pouvons pas nous contenter de ces pratiques qui relèvent d’une infantile pensée magique.

Il faut abattre la statue de Sully !

 

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LE DÉCONFINEMENT POUR LES NULS

 

7 mai 2020

 

Je prends connaissance avec ravissement d’un épais fascicule de 27 pages format A4 sobrement intitulé « Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés ».

Ce document élaboré par le Ministère du travail a été très largement distribué à toutes les entreprises, commerces et artisans de France afin de les aider à préparer harmonieusement et en toute sécurité le retour à leurs activités normales après la longue période d’isolement que tous ont connue pendant deux mois. Je ne doute pas que la lecture attentive et la mise en œuvre des mesures préconisées par ce document les y aideront de manière décisive.

Pour illustrer mon propos, j’extrais de ce long document quelques lignes de la page 5 (j’aurais pu en prendre d’autres) dont la limpidité, la simplicité, le côté pratique et la facilité de mise en œuvre seront, n’en doutons pas, particulièrement appréciées des destinataires. Citation :

 

« Calcul des surfaces résiduelles et des jauges maximales.

 

Exemple 1 : supermarché de 2000m²

 

La surface résiduelle (Sr) est le résultat de la soustraction de la surface totale (St du plateau commercial nu (sans les entrepôts ni les quais, ni la galerie marchande) auquel on retire la surface utilisée (Su) de tous les espaces occupés par les rayons et les présentoirs de marchandises dans les allées ou des espaces dédiés ( Sr = St-Su).

Pour une surface nue de plateau commercial de 2000m² et un encombrement des rayons estimé à 40%, la surface résiduelle est égale à 2000-800 soit 1200m². La jauge maximale est donc égale à (Sr/4) : 1200/4 = 300 personnes clients et salariés.

Toutefois, le nombre de clients admissibles et le flux de clients entrant/sortant peut être contraint par le nombre de caisses ouvertes, le flux de passage aux caisses (temps moyen de passage) et le nombre de clients qui attendent aux caisses, l’ensemble ne permettant plus de respecter l’espace de 4m² par personne. Un coefficient réducteur, apprécié par le responsable de l’établissement, peut alors s’appliquer au calcul précédent. Ainsi par exemple, affectée d’un coefficient de 0,8 par l’exploitant, la jauge maximale applicable pour ce magasin serait de 300x 0,8 = 240 personnes. Il s’ensuit que le flux doit être contrôlé à l’entrée et à la sortie pour que la jauge ne soit pas dépassée. Les caisses constituant le goulot de sortie, le nombre de clients entrant doit être égal au nombre de clients sortant. »

 

Fin de citation

 

Mon gendre, qui est médecin hospitalier et s’est beaucoup dépensé à ce titre ces dernières semaines en acquérant une certaine expertise dans la gestion de l’épidémie, me fait observer que le rédacteur de cette partie du document « omet toutefois de tenir compte du coefficient de contagiosité inversement proportionnel au carré de la distanciation sociale divisé par le coefficient de saisonnalité modulo le flux spécifique du local étudié (sujet à réévaluations périodiques) »

Cette critique est sans doute fondée mais tient un peu de la ratiocination face au monument de lyrisme administratif enthousiasmant que constitue le remarquable exposé du Ministère du Travail. On mesure en effet à la lecture de ce document à quel point notre haute administration sait prendre en charge avec rapidité, efficacité, clarté et une grande économie de moyens, des problématiques évidemment inaccessibles au citoyen lambda qui n’avait ni la culture ni les ressources intellectuelles nécessaires pour acquérir les prestigieuses connaissances dispensées à l’Ecole Nationale d’Administration ou à Polytechnique. C’est, de façon emblématique, aux qualités de ce texte qu’on mesure l’excellence de notre gouvernance qui sait en 27 pages seulement d’une extraordinaire limpidité affirmer sa proximité avec les citoyens et réparer les quelques carences passagères – évidemment dues à des comportements inciviques - qui ont pu nous affecter au début de la pandémie. Nous sommes sauvés.

 

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EMPORTÉ PAR LA FOULE

 

8 mars 2020

 

J’observe depuis une quinzaine d’années à travers les bulletins d’information qu’il existe en France trois types de foule aux pratiques et comportements bien distincts.

 

La première mouture est composée d’une masse compacte d’individus en général assez jeunes qui se tiennent debout en se dandinant de droite et de gauche comme des pendules inversés, les bras levés au dessus de la tête comme s’ils imploraient on ne sait quelle divinité à laquelle ils se soumettent soit en fermant les yeux soit en jetant vers le ciel des regards extatiques. C’est un genre de foule qui se rencontre souvent à la nuit tombée dans des lieux de spectacle ouverts ou fermés. Il y est de bon ton d’applaudir et de siffler de joie avant que le spectacle commence, sans doute pour encourager des artistes timides, et de tolérer avec bienveillance que les dits artistes arrivent avec une ou deux heures de retard sur l’horaire prévu. Dès que le spectacle commence, la foule entame son dandinement rituel dans une débauche d’effets lumineux aveuglants, de sons à déchirer les tympans et dans des brumeux nuages de glycol vaporisé considérés comme intolérables quand un malheureux vapoteur en exhale le milliardième. Autour de cette foule en transe gravite en une marche circulaire comme des pèlerins musulmans autour de la Kaaba une noria de petits commerçants spécialisés dans la vente d’herbe à fumer (à ne pas confondre avec l’immonde tabac), de petits cachets multicolores et de poudres diverses à consommer pour potentialiser l’extase du dandinement collectif.

 

Quoique mettant également en jeu la musculature, le second type de foule s’agite de façon diurne et plutôt différemment. Il convient en effet de sautiller sur place, soit seul, soit en se tenant par les bras et les épaules avec ses voisins, en beuglant en rythme et à l’unisson des slogans ou des chants en tous genres qui peuvent aller de l’admiration fervente à la vindicte la plus haineuse. C’est un comportement usuel qui accompagne maintenant habituellement les manifestations sportives et « culturelles », les réunions revendicatives statiques, les fêtes publiques ou privées. On n’y trouve que très peu d’adjuvants artificiels mais plutôt des boissons plus ou moins riches en éthanol dont on laissera les contenants (bouteilles en verre ou en plastique, canettes en aluminium) soigneusement par terre sur place pour témoigner de l’intensité et du succès de la sautillante communion collective.

 

Le troisième type de foule présente un comportement moins physique et sportif et fait beaucoup plus appel aux capacités pulmonaires et sonores. Il s’agit là de revêtir en masse des gilets de couleur voyante et d’occuper statiquement un espace public ou de défiler dans une artère urbaine en beuglant « On est là, on est là, on est là » jusqu’à extinction des cordes vocales. C’est une proclamation un peu étrange puisqu’il faudrait avoir la vue très basse pour ne pas constater « qu’ils sont là », mais la proclamation infiniment répétée semble rassurer les participants manifestement angoissés à l’idée de l’absence et de la solitude. Au cas où le cri sempiternellement poussé ne suffirait pas à convaincre les distraits ou les mal voyants, un essaim de voltigeurs masqués et vêtus de noir vrombissent autour des hurleurs pour appuyer leur propos en mettant le feu aux voitures, en cassant le mobilier urbain et en défonçant les vitrines des commerces, tout en hurlant leur haine contre la violence des forces de police qui ont l’intolérable prétention de les en empêcher. Bref, « ils sont là » aussi.

 

Si vous faites partie des mal pensants, si vous n’avez pas l’intention ou le goût de vous dandiner les bras en l’air jusqu’à l’extase, de sautiller sur place jusqu’à rupture des tendons d’Achille ou de brailler que vous êtes là jusqu’à vous en faire péter les jugulaires, évitez la foule qui se prend pour le peuple alors qu’elle n’est que la foule, et restez chez vous devant votre télé pour voir les autres se livrer à ce genre d’exercices hautement physiques et parfaitement ineptes.

 

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PRENDRE LA PORTE

 

5 février 2020

 

Dès mon plus jeune âge, et en tout cas dès l’âge où je fus capable de l’accompagner dans des lieux admettant du public, ma maman m’a appris qu’en passant dans un sens ou dans l’autre la porte d’un tel lieu, je devais tenir cette porte ouverte si quelqu’un me suivait afin de lui en faciliter le passage. Cette recommandation était encore plus justifiée si ladite porte était équipée d’un système de fermeture mécanique dont le plus répandu était alors une espèce de ressort compliqué du nom de « Blount » dont j’étais informé de la présence par la résistance qu’il opposait à l’ouverture de la porte et par la petite plaque émaillée vissée sur le chambranle qui représentait un groom en uniforme et qui proclamait fièrement : « Ne fermez pas la porte, le Blount s’en chargera ». Relâcher sans précaution la porte dans ces conditions aurait sans doute été préjudiciable au nez de la personne qui me suivait. L’usage voulait donc que je tienne la porte ouverte pour mon suiveur qui me remerciait d’un sourire ou d’un petit hochement de tête, me libérait en reprenant la poignée et tenait à son tour la porte ouverte pour la personne suivante, et ainsi de suite jusqu’à épuisement du stock de passants.

Ce comportement était selon ma mère un signe de bonne éducation et l’un des multiples petits gestes qui rendent agréable le « vivre-ensemble » au quotidien dans une grande ville. J’ai donc pratiqué ce « petit geste » sans même y penser pendant toute ma vie active dans des grandes métropoles et jusqu’à ma retraite en Cévennes où il n’y a guère de porte à tenir pour un éventuel suiveur et encore moins de porte à fermeture automatique dans les granges, les magnaneries, les mazets ou les burons. Mais, m’étant récemment rendu dans la capitale, épreuve que j’évite autant que possible tant l’atmosphère y est encore plus irrespirable que l’air, j’ai dû me rendre à l’évidence que les mœurs y avaient radicalement changé, au moins en matière d’ouverture de porte.

Sortant d’un grand magasin, j’ai machinalement tenu la lourde porte en verre qui ne demandait qu’à se refermer sur une femme élégante qui me suivait, la quarantaine bien mise, foulard, lunettes de marque et sac à main. La dame, apparemment pressée, m’a dépassé sans m’accorder un regard ni esquisser le moindre geste pour reprendre le rôle avant d’aller se fondre dans le flot des passants. Elle était suivie d’un jeune homme chevelu à sac à dos, casque audio sur la tête, qui parlait à son micro de téléphone et qui est passé sans plus me voir. Vint ensuite un ouvrier à la combinaison tachée de plâtre, les bras chargés de pinceaux et de pots de peinture. Je ne pouvais faire moins que lui tenir la porte ouverte mais n’eus pas droit au moindre signe de reconnaissance. Après lui se pointa une jeune fille à la mode, cheveux violets et jean à trous, qui me considéra avec hargne et mépris, me taxa de « vieux sagouin sexiste qui n’avait trouvé que ça pour draguer et qui exprimait ainsi son mépris des femmes » avant de se proposer d’alerter la police sur la présence d’un harceleur à la porte du magasin. Derrière elle se profilait une vieille dame. Un peu lassé de mon rôle de portier involontaire, je lui tendis par dérision ma main en sébile (celle qui ne tenait pas la porte….) comme le faisaient du temps de ma jeunesse certains clochards à la porte des grands magasins, des taxis ou des cinémas. Je ne présentais pas exactement le profil usuel du mendiant avec mon costume et ma cravate et j’espérais que cette personne de ma génération noterait l’ironie de la situation et prendrait ma relève avec plus d’efficacité que moi. Je me trompais. Elle a esquissé un bref arrêt, fouillé dans son sac et m’a glissé mécaniquement sans me regarder une piécette dans la main avant de s’éloigner toujours sans le moindre geste pour me libérer et en grommelant contre le manque de gratitude dont j’avais fait preuve en ne la remerciant même pas.

N’ayant tout de même pas l’intention de passer mon bref séjour parisien à jouer à l’homme invisible qui tient ouverte une porte qui ne souhaite que se refermer, j’ai fini par la relâcher sans trop me soucier de qui arrivait. Elle atterrit évidemment sur le nez d’une autre jeune femme à la quarantaine bien mise qui m’abreuva de nom d’oiseaux, me traita (en termes un peu plus imagés et vigoureux) de goujat sans éducation et de malappris qui n’accordait aucune attention à ceux qui l’entouraient, en particulier aux femmes. Elle conclut sa diatribe en affirmant qu’un connard comme moi ferait mieux d’aller vivre seul au fin fond de la cambrousse avec les péquenots dans son genre. Je me suis abstenu de relever la contradiction d’un conseil qui m’invitait à aller vivre seul avec des autres. Mais je me suis dépêché de le suivre en me jurant de n’aller désormais que dans des lieux publics urbains fermés par une des ces merveilleuses portes coulissantes munies d’un détecteur de présence qui leur commande de s’ouvrir toutes seules quand quelqu’un s’approche et de se fermer de la même façon quand la personne s’éloigne.

 

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ALLÔ MAMAN, BOBO !

 

17 janvier 2020

Je suis ce qu’il est convenu d’appeler un « babyboomer ».

Mes deux premières années ont donc été placées jusqu’en 1948 sous le signe des tickets de rationnement pour ce qui touchait à l’alimentation, l’habillement et le chauffage. Des parents aimants m’ont mis à l’abri des principales privations mais le régime était peu varié et la température glaciale malgré les seaux de charbon que mon père déversait avec un nuage de poussière dans un poêle « Godin » qui me permettait d’observer ses flammes par une toute petite fenêtre de mica.

Privés de tabac pendant près de cinq ans, mes parents se rattrapaient avec application. Ma mère avec son paquet de Gitanes par jour, mon père avec son paquet de gris quotidien dont il bourrait consciencieusement sa bouffarde. Notre petit deux pièces avait ainsi en fin de journée toutes les apparences d’un fumoir à harengs. L’un et l’autre sont morts respectivement à 84 et 90 ans de pathologies sans rapport avec le tabac. Pour ma part j’ai poursuivi la tradition familiale dès l’âge de 15 ans, d’abord avec des P4, sortes de scories de Gauloises vendues pas cher par la SEITA en paquet de quatre, puis avec des Gitanes, des Celtiques et même des Boyards avant de revenir aux Gauloises puis de me convertir récemment à la technologie de la cigarette électronique.

Agé de 6 ans j’ai fait mon entrée à la « communale » qui, le jour de la rentrée sentait fort un désinfectant considéré aujourd’hui comme hautement toxique dont nous traînions les effluves pendant des semaines. Sur la table de la cantine où nous mangions par groupe de six le midi, trônaient deux carafes, l’une d’eau du robinet l’autre d’un vin à la tireuse qui n’avait rien à envier au picrate des « poilus » de 14. Ce n’est qu’en 1956, sous l’impulsion de Pierre Mendès France, qu’on nous a remplacé le vin par du lait cru, plus pour cause de surproduction laitière que par souci de notre sobriété. A la récré nous nous dispersions dans la cour en bandes criardes dont la principale activité à travers divers jeux de billes, de ballon, de courses, d’équilibre et de joutes diverses paraissait être de se traîner le plus souvent possible à plat ventre dans la poussière ou la boue (selon les saisons).

Le jeudi – qui était alors le jour hebdomadaire de congé des scolaires - j’allais avec mon pote Saïd, le fils de Mohammed, le carrossier–tôlier de la Cité des Fleurs, jouer les explorateurs sur ce qu’il restait des « fortifs » transformées en décharge à ciel ouvert avant qu’elles deviennent Boulevard périphérique. Nous en revenions triomphants avec notre butin du jour : vieilles tringles à rideaux, poussettes déglinguées, rouleaux de papier peint usagé, phares de voitures rouillés et autres cochonneries péniblement extraites de la fange puante où elles achevaient de se décomposer au milieu des déchets variés du tout proche hôpital Bichat. Pour agrémenter cette expédition nous faisions une longue halte sur un pont de la ligne de petite ceinture où circulaient encore des locomotives à vapeur en transit d’une gare parisienne à une autre. Le grand jeu était de se faire entièrement envelopper de la fumée des motrices, mélange de vapeur et de suie dont nous ignorions alors qu’il était composé de méchantes microparticules puisqu’elles n’avaient pas encore été inventées. Cela nous valait au retour un débarbouillage complet à l’eau froide et autant de coups de pieds aux fesses que de trous à nos pantalons, mais quel bonheur !

Pendant ce temps, l’agriculture française faisait sa mutation productiviste. Les fades rutabagas, les tristes topinambours, les sempiternels fayots, furent remplacés par une avalanche de fruits et légumes d’autant plus beaux, calibrés et colorés qu’ils étaient inondés de pesticides et de fongicides avant, pendant et après récolte. La luxueuse mais coriace cuisse de poule du dimanche laissa place à la consommation quasi quotidienne de fondants poulets aux hormones, de tendrons de veau dégoulinants d’antibiotiques, de biftecks farcis d’anabolisants et passés à la machine attendrisseuse pour compenser le stress crispant de bêtes découpées quasiment à vif. Un peu plus tard vint le temps des sodas et sirops hauts en couleurs qui ne devaient rien à la nature et tout à des excipients chimiques dont il aurait été incongru de demander l’origine ou la composition. Il y eut au début des années 80 un vent de révolte contre ces additifs. Mais face aux réactions dégoûtées des chères têtes blondes confrontées à de la menthe vert pâle et de la grenadine rose bonbon clair, on en revint bien vite à des couleurs plus suggestives.

En parallèle, la voiture individuelle était partie à l’assaut des rues et des trottoirs parisiens. Je prenais le bus pour aller au collège. C’était le 74 (Clichy-Paris Hôtel de Ville), un vieux modèle Renault TN6 de 1932 à plate forme arrière ouverte où je me tenais fièrement malgré l’épais nuage de fumée noire que son pot d’échappement dégageait à chaque redémarrage. Il était entouré en son trajet de nombreux taxis, principalement les premiers modèles diesel de chez Peugeot, dont le moteur cliquetant rivalisait d’émanations hautement toxiques avec celles de mon bus pourtant propulsé à l’essence.

Puis ce fut le lycée. Un tout neuf lycée de banlieue, annexe d’un grand lycée parisien, construit aux normes des années 60 où on se gelait l’hiver et où on transpirait l’été malgré l’épaisse isolation d’amiante dont on en avait tartiné les murs, les sols et les plafonds. Je m’y rendais en métro dont les quais fleuraient bon l’ozone et la poussière des garnitures de freins.

 

Je consigne ces quelques souvenirs éminemment historiques pour bien montrer que dans toute l’histoire de l’humanité, j’appartiens à la première génération qui a été durablement et massivement exposée à tous les toxiques chimiques (pesticides, herbicides, fongicides, additifs douteux, conservateurs, colorants, gaz en tous genres, dioxines, antibiotiques, perturbateurs endocriniens, etc.), physiques (fumées d’usines, de locomotives, de poêles à charbon, d’échappement, vapeurs industrielles, poussières non organiques de toutes natures, particules de tous diamètres, etc.) et même nucléaires, les normes de sécurité des débuts de l’âge atomique n’étant pas celles d’aujourd’hui et sans préjudice de la bonne dose de rayons X dont nous gratifiait chaque année jusqu’en 1978 la médecine scolaire puis la médecine du travail à la recherche du moindre bacille de Koch en goguette.

 

J’observe cependant aussi que j’appartiens à la génération qui, dans toute l’histoire humaine, jouit de la plus longue espérance moyenne de vie (85 ans pour les femmes, 81 ans pour les hommes) et en particulier la plus longue espérance moyenne de vie en bonne santé (65 ans pour les femmes, 63 ans pour les hommes). A titre personnel, j’en ai 74 et jusque là, ça va. Merci.

 

Ce paradoxe signifie-t-il que « c’était mieux avant » et qu’une bonne immersion précoce et prolongée dans tous les toxiques solides, liquides et gazeux est le préalable à une vie longue et saine ? Évidemment non. Et je soutiens bien sûr l’idée – que j’essaye de traduire en actes dans ma vie quotidienne - qu’il vaut mieux pour tous respirer de l’air aussi pur que possible, boire de l’eau aussi peu polluée qu’on peut la distribuer et manger des aliments aussi proches que possible de la nature qui les génère, produits avec un minimum raisonnable d’additifs dont j’attends d’ailleurs depuis longtemps que les industriels me démontrent clairement le caractère incontournable pour mon goût, mon confort et ma santé.

 

Mais ce paradoxe illustre aussi l’insondable ineptie de cette « grande peur de l’an 2000 » qui hystérise les rapports des générations montantes à leur environnement naturel et humain, leur inspire la crainte irrationnelle de tout, partout et tout le temps, leur dicte l’exigence d’un « principe de précaution » universel générateur d’immobilisme et d’anxiété, les pousse à demander justice (avec compensations financières bien sûr…) de tout ce qu’ils estiment à tort ou à raison éventuellement préjudiciable à leur frileuse personne, les propulse dans la violence de rue au nom d’un soi-disant « état de nécessité » qui ne souffrirait aucune régulation collective.

Je viens d’acheter un taille-haie électrique. Il est accompagné d’un épais mode d’emploi dont les neuf dixièmes sont consacrés à la sécurité d’utilisation (le reste, à dégager toute responsabilité du constructeur quoiqu’il arrive). Au nombre des recommandations de sécurité, il est notamment précisé qu’il ne faut surtout pas essayer d’arrêter l’appareil avec ses parties génitales. Ce qui veut dire en clair que quelqu’un a essayé et s’est plaint avec succès en justice que cette recommandation ne figurait pas dans une version précédente du modèle. Il n’est pas fait mention du danger éventuel d’arrêter l’appareil avec son nez ou ses oreilles. C’est sans doute que personne n’a encore essayé.

 

Le florilège des peurs justifiant les violences, taxations, punitions et interdictions dont les soi-disant écolos sont friands s’enrichit chaque jour. On y trouve pêle-mêle les vaccins (qui ont sauvé et sauvent toujours des millions de vies humaines et animales), les ondes ( dans lesquelles nous baignons depuis plus d’un siècle sans effet perceptible sinon le voisinage de la Tour Eiffel qui rayonne en continu ses centaines de kilowatts devrait s’en être aperçu depuis longtemps), les intrants chimiques alimentaires (il est vrai souvent inutiles et rejetés avec horreur pour les enfants à la cantine scolaire mais que l’on gave ensuite de sodas, sucreries multicolores et hamburgers bien gras et hormonés), la viande, le gluten et les fromages au lait cru (dont l’humanité s’est pourtant nourrie sans problème depuis des millénaires), la neige en hiver, la chaleur en été (les deux nécessitant absolument la présence immédiate d’un ministre sur le terrain), l’automobile (surtout celle des plus isolés et des plus démunis, souvent vieille et asthmatique mais qui leur permet un minimum de liberté), les coqs, les ânes et les cochons (qui troublent le repos et l’olfaction des néo-ruraux), le tabac (qui est il est vrai un dangereux poison) et, dans son sillage, la cigarette électronique (loin d’être indispensable mais dont personne n’a à ce jour démontré la toxicité sauf à y mettre de l’huile de chanvre) mais pas le cannabis « récréatif » cher aux bobos (dont l’effet dévastateur est parfaitement documenté en particulier chez les ados)…. La liste s’allonge sans fin et suscite la hargne toujours plus vive des nantis urbains qui ne s’interrogent en revanche jamais sur leurs vacances en Thaïlande, leur 4x4 « urbain » (indispensable à la sécurité des enfants qu’on dépose à l’école à 300m. du domicile), les 25° permanents de leurs appartement en hiver, leurs tomates-mozza ou leurs fraises en décembre, leur tout dernier modèle de téléphone portable, d’écran plat ou d’ordinateur. Tous ceux-là dont les enfants ne connaissent de la nature que des poissons carrés enrobés de chapelure et des vaches violettes éprises d’alpinisme.

 

Toutes ces phobies plus ou moins justifiées et les mesures de précaution qu’elles exigent à grands cris devraient nous ramener à une vie « naturelle », sécurisée et idyllique au milieu des bisounours et des licornes (à condition qu’elles ne déposent pas de crottin dans les rues). On est loin du compte. Nos sociétés nanties, anxieuses et phobiques n’ont jamais compté autant d’obèses, en particulier chez les enfants et les ados avec les pathologies liées. Alors qu’on ne manque plus de rien dans nos pays développés et que la médecine a fait des progrès fulgurants en un demi-siècle, on n’a jamais observé autant d’allergies, d’intolérances, de troubles psychiatriques, de pathologies alimentaires. Aux États-Unis (les Européens ne tarderont pas à suivre…), l’espérance de vie moyenne commence à diminuer. Ce n’est pas faute de mesures de précaution dans ce pays où l’on refuse la dernière cigarette aux condamnés à mort parce que c’est préjudiciable à leur santé…..

 

L’un des chants de marche préféré des armées nazies, en particulier des SS, avait pour titre « Erika »(1). Elle a scandé le déferlement des barbares dans toute l’Europe. Pourtant quand on prend soin d’en écouter les paroles en Allemand entre deux assourdissants coups de cymbales et trois couinements de trompette, il n’y est question que « de petites abeilles qui butinent des petites bruyères »…..

 

Allô Maman, bobo !

 

 1/ On peut l'écouter en cliquant ici (mettre le son...)

 

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PÂTÉ D’ALOUETTE

 

24 novembre 2019

 

Un exercice majeur de l’OTAN dénommé DEFENDER 20 se tiendra d'avril à mai 2020 dans une dizaine de pays européens.

Ce sera l'un des plus grands exercices interalliés depuis REFORGER en 1987 et il devrait prouver que si, politiquement, l'Otan est en état de mort cérébrale, ainsi que l'a déclaré la semaine dernière Emmanuel Macron, l'Alliance conserve, militairement, tout son punch.

37 000 soldats de 18 pays (dont la France) sont annoncés: 8 000 soldats européens, 9 000 Américains basés en Europe et 20 000 hommes venant des USA.

L'US Army a commencé à préciser la composition de la force expéditionnaire US qui sera déployée en Europe dans le cadre d'un scénario de confrontation majeure en 2028 et d'un recours à l'article 5 qui prévoit un engagement général des forces de l'Otan en cas d'agression sur l'un des pays membres: 

- 82nd Airborne Division Headquarters (150 militaires).

- 13th Expeditionary Sustainment Command (300).

– 807th Medical Command (100).

- 1st Cavalry Division Artillery Command (350).

- 1st Calvary Division Sustainment Brigade Headquarters (250).

- 2nd Brigade Combat Team, 1st Armored Division (3 800).

- 116th Cavalry Brigade Combat Team (3 800).

- 2nd Brigade, 3rd Infantry Division (3 800).

- 168th Engineer Brigade Headquarters (200).

- 44th Medical Brigade (250).

- 11th Theater Tactical Signal Brigade (600).

Les effectifs de deux autres unités avaient déjà été annoncés. Il s'agissait de:

- la 1st Cavalry Division Headquarters (500).

- et de la 3rd Infantry Division Combat Aviation Brigade (1 750).

Cet exercice majeur verra des opérations aéroportées en Georgie (effectifs multinationaux), Lituanie (avec des Polonais de la 6e brigade aéroportée) et Lettonie (avec des paras US, espagnols et italiens), un franchissement de rivière en Pologne (168th Engineer Brigade de la Garde nationale du Mississipi) et des manoeuvres combinées en Allemagne. 

 

Je ne sais pas si, comme il est ici reproché au Président Macron, « l’OTAN est en état de mort cérébrale » mais le complexe militaro-industriel américain ne l’est manifestement pas. Voici un exercice militaire majeur supposé concerner la sécurité de l’Europe où interviennent 29000 soldats américains pour 8000 « harkis » européens en ordre dispersé (Français, Espagnols, Italiens, Polonais, etc.). Cela tient du pâté d’alouette et de cheval cher à ma grand-mère : un demi cheval, une demie alouette pour faire moitié-moitié.

 

Arès avoir regardé attentivement la carte des différentes opérations prévues sous animation américaine au cours de ces importantes manœuvres qui vont se situer à quelques kilomètres des frontières occidentales et sud de la Russie, je me suis demandé quelle serait la réaction des Européens et des Américains si l’armée russe menait des manœuvres de grande ampleur sur son propre territoire à moins de 30km de la frontière des pays baltes, de la Pologne, de l’Ukraine et de la Géorgie avec comme thématique « l’hypothèse d’un conflit majeur en 2028 »…… Car le Russe, c’est connu, est méfiant et soupçonneux. Ne risque-t-il pas de voir dans ces manœuvres la préparation d’un conflit majeur en 2028 et d’essayer de le prévenir par  une attaque préventive qui justifierait l’hypothèse d’un conflit majeur en 2028….. Vertigineux…..

 

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LE RETOUR DU PROFESSEUR SHADOKO

 

16 novembre 2019

 

Alors que ce matin je buvais distraitement mon café devant ma télé, mon attention a été brusquement interpellée par une jeune journaliste qui m’a révélé que si le réseau mondial d’Internet était un pays, il se situerait au 6e rang mondial des émetteurs de gaz à effet de serre tant sa consommation d’énergie électrique est devenue monstrueuse et exponentielle. Et cette extraordinaire quantité d’électricité est majoritairement produite dans le monde par l’utilisation de combustibles fossiles, pétrole, gaz, charbon, lignite, tous gros émetteurs de CO2.

 

Fort heureusement, après cette révélation particulièrement anxiogène, j’ai été vite rassuré. D’après la sémillante personne qui venait de m’ouvrir les yeux sur cette mauvaise nouvelle, le bon côté des choses est selon elle, que grâce à Internet, aux réseaux sociaux qu’il permet de fonctionner, à la quantité d’information qu’on peut y trouver, une vaste prise de conscience de la voracité énergétique d’Internet est en train d’émerger et que Internet permet à tous ceux qui ont pris conscience de cette voracité de manifester via les réseaux sociaux d’Internet leur condamnation de la voracité énergétique d’Internet…..

 

J’ai un peu le tournis mais je savais déjà que plus on pédale moins vite, moins on avance plus lentement. C’est donc l’esprit libre et le cœur léger que je suis allé me brancher à Internet.

 

 

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ÉMOTION

7 novembre 2019

 

« Beaucoup d’émotion aujourd’hui dans le petit bourg de ( à compléter )  où des bougies ont été allumées sur le parvis l’église. Les enfants ont lâché des ballons blancs dans le ciel, ont déposé des bouquets de fleurs devant le monument aux morts et des ours en peluche à la porte de l’école. Puis les habitants du village se sont réunis dans le calme et la dignité sur la place de la mairie avant d’organiser une marche blanche silencieuse et poignante pour témoigner leur compassion et exiger la vérité. Enfin, une cellule d’appui et de soutien psychologique a été installée dans la salle polyvalente. Seule ombre au tableau, l’absence du  Ministre de l’Intérieur qui a été tristement soulignée et ressentie avec colère. Une lettre sera adressée au Préfet pour déplorer ce manque d’intérêt des autorités parisiennes envers cette petite commune si durement éprouvée mais qui demeure fière et digne. »

 

Conscient de la lourde tâche de mes amis journalistes dont les effectifs s’effondrent face aux contraintes financières de leurs employeurs, j’avais préparé pour eux il y a plusieurs années ce petit fond de texte qu’ils pouvaient utiliser librement en toutes circonstances : homicides, féminicides, canicides, inondations, incendies, glissements de terrain, explosions, accidents routiers et ferroviaires, pollutions diverses, massacres de licornes, etc.

Je constate avec satisfaction et fierté qu’ils ont été nombreux à l’utiliser et suis heureux d’avoir ainsi pu contribuer, même modestement, à la qualité de la presse d’information.

 

 

 

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ORIENT COMPLIQUÉ, IDÉES SIMPLES. LE CAS LIBANAIS

 

2 novembre 2019

 

Gebran Bassil,chrétien maronite, Ministre des Affaires Étrangères, gendre du Président de la République Michel Aoun et candidat à l’élection présidentielle, est proche de Hassan Nasrallah, chiite, chef du Hezballah.

Nasrallah est allié à Nabih Berri, chiite, Président du Parlement et du mouvement chiite Amal. Berri est fermement opposé à Gebran Bassil.

Samir Geagea, chrétien maronite et chef des Forces Libanaises, est également opposé à Bassil mais allié avec Saad Hariri, musulman sunnite, Premier Ministre démissionnaire, bien que Hariri soit parfois allié avec le Président Michel Aoun. Quand il n’est pas allié à Michel Aoun, Saad Hariri est proche de Walid Joumblatt, druze, chef du Parti socialiste progressiste (PSP) qui déteste le Président Aoun et son gendre Gebran Bassil, tout comme Samir Geagea.

En fait Joumblat déteste Samir Geagea mais ne le dit pas, car Geagea est avec Hariri mais il déteste Michel Aoun. 

Quant à Michel Aoun, il est contre Sleiman Frangieh, chrétien maronite, ancien ministre, petit fils d’un ancien Président de la République et chef du parti des Maradas qui est proche de Hassan Nasrallah. Frangieh déteste Gebran Bassil qui est également proche de Nasrallah.

Il reste donc Amine Gemayel, chrétien maronite, ancien Président de la République, chef du Parti des Kataëb, qui est opposé à tout le monde, sauf quand il est avec l’un ou l’autre ou plusieurs.

 

Voilà. Si vous avez compris quelque chose à ce que vous venez de lire, c’est que j’ai mal expliqué la situation. Veuillez m’en excuser

 

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MAUVAIS GENRE

 

 

28 octobre 2019

 

- « Bonjour Madame l’Ambassadeur »

- « Vous avez remarqué que je suis une femme ? »

- « Ben oui, sinon je ne vous aurais pas appelée Madame. »

- « Alors donnez moi mon titre au féminin ! »

- « Bien. D’accord Madame l’Ambassadeuse. »

- « Ça n’existe pas, ce mot ! »

- « Ben pourquoi pas ? On dit bien un chauffeur, une chauffeuse, un veilleur, une veilleuse, un coiffeur, une coiffeuse, un enquiquineur, une….. »

- « Ça suffit comme ça ! Appelez moi Madame l’Ambassadrice ! »

- « Si vous voulez, mais je croyais que ce terme désignait la femme d’un ambassadeur, ce qui n’est pas votre cas puisque l’ambassadeur, c’est vous. »

- « Je vous trouve bien impertinent ! Et d’abord qui êtes vous ? »

- « Je suis le nouveau recru embauché pour faire le sentinel devant votre porte. »

 

 

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VOUS AVEZ DIT : « RADICALISÉ » ?

 

22 octobre 2019

 

Mediapart m’apprend aujourd’hui que le Président de l’Université Paris I a décidé de suspendre sine die le cycle de formation à la « prévention de la radicalisation » qui devait débuter en novembre prochain dans les murs de la Sorbonne.

Ce cycle assez court se proposait d’étudier la naissance de l’islam politique, la part du djihadisme dans la doctrine salafiste, la perception de la démocratie et de la laïcité dans la rhétorique des radicalisés, le fanatisme en tant qu’antichambre de la violence, etc.

Le Président de Paris I conclut les attendus de sa décision par la phrase suivante : « La question de la radicalisation est un enjeu majeur de notre société et il est normal qu’une université citoyenne s’en saisisse, mais je pense qu’il est dangereux et réducteur de cibler uniquement l’islam »

Voilà qui est frappé au coin du bon sens ! Pourquoi en effet - en matière de radicalisation - faudrait-il ne cibler que l’islamisme alors qu’on devrait certainement s’intéresser aussi aux survivants du Mandarom, à la Fraternité Saint Pie X ou aux zélateurs de Haré Krishna. Car il faut tout de même être sérieusement radicalisé pour se promener dans les rues de Paris en plein hiver, le crâne rasé, vêtu d’un sari safran en jouant du tambourin et en psalmodiant des mantras. Les mauvais esprits objecteront que tous ces radicalisés là sont des farceurs qui n’ont jamais tué personne et n’en ont même pas exprimé l’intention. Mais c’est une ratiocination misérable qui cache mal l’islamophobie de ses auteurs qui réduisent la radicalisation aux seuls salafistes.

 

Plus sérieusement, ce qui apparaît grave dans cette affaire, c’est que le Président de Paris I a pris cette décision suite à une levée de boucliers d’une partie du corps enseignant qui contestait à la fois le fond de cette formation jugée « stigmatisante » mais aussi la personnalité de ceux qui devaient la dispenser, à savoir le Professeur Vermeren, historien spécialiste respecté du monde arabe et musulman, titulaire d’une chaire à la Sorbonne et Mohammed Sifaoui, écrivain, journaliste et polémiste, grand pourfendeur du salafisme, des Wahhabites et des Frères Musulmans.

C’est évidemment sur ce dernier que se sont focalisées les attaques. Compte tenu de ses origines et de son patronyme, il est tout de même difficile de le taxer de xénophobie, de racisme ou même d’islamophobie. Mais la bien-pensance n’est pas en mal d’épithètes ni de phrases assassines pour discréditer les pensées « déviantes ». Ainsi Mediapart nous apprend que « Le très controversé journaliste et écrivain Mohammed Sifaoui, était annoncé comme l’un des intervenants du programme. » On ne nous dit pas par qui et pourquoi M. Sifaoui est « très controversé » mais c’est parce que, justement, ce n’est pas nécessaire. Dans la novlangue bobo, « controversé » veut dire d’extrême droite, proche ou membre du Rassemblement National, et cet adjectif discrédite d’avance – et sans qu’il y ait lieu à débat ou explication – la personne à laquelle il s’applique et lui interdit toute forme d’expression publique.

Quoiqu’on pense par ailleurs de Mohammed Sifaoui, de son exposition médiatique, de ses connivences politiques avec des hommes de gauche de sensibilité rocardienne, de ses ratés de journaliste, le problème n’est pas de savoir si c’est un bon ou un mauvais journaliste, mais de savoir s’il est qualifié pour parler de radicalisation ou pas. Et cela sous la houlette de Pierre Vermeren, professeur titulaire à Paris I, dont la compétence est largement reconnue au sein de l’Université. Autant que j’en sache par mon expérience personnelle et professionnelle, la réponse est oui.

Donc, le corollaire de ce déni de personne est de savoir si on peut dans ce pays étudier la radicalisation religieuse et son expression violente afin d’essayer de la prévenir. Si je me réfère à la phrase conclusive du Président de Paris I citée au début de ce texte, la réponse est pour l’instant non. Car il est clair que le problème de la radicalisation ne pourra jamais être étudié puisque ceux qui sont à la fois qualifiés et volontaires pour en parler seront « controversés » dans la mesure où ils ne sont pas – par définition - des adeptes de l’islamisme salafiste qu’ils ne manqueront certainement pas de « stigmatiser » en suscitant « un tollé  de la majorité du corps enseignant de Paris I » et autres périphéries de Saint Germain des Prés.

 

Ce nouvel épisode - ubuesque ou courtelinesque  selon le point de vue - ne fait que rappeler l'interdiction il y a tout juste un an d'un colloque sur le même thème pour des motifs tout aussi surréalistes dont j'avais rendu compte dans ces termes :

  

" Un nouveau colloque de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale) co-organisé par l'AR4 (Bourgogne) de l'Institut et le CNC-IHEDN sur le thème de l'endoctrinement salafiste et de la radicalisation qui devait se tenir le 22/11/2018 à Dijon, vient d'être annulé pour cause d'oukase du plus haut niveau en la personne du Préfet de région. 

Je précise que je ne participais pas à ce colloque et que je n'y ai aucun intérêt personnel. 

L'IHEDN serait-il devenu un préoccupant centre de subversion ?

Doit-on considérer qu'un Général de Division de Gendarmerie et le Maire de Dijon qui devaient intervenir dans ce colloque sont de dangereux révolutionnaires ?

Les problèmes de terrorisme et de radicalisation sont-ils du seul ressort et de la seule compétence des autorités préfectorales ? 

Il semblerait que oui puisque, je cite  : "Le Directeur de Cabinet (du Préfet de région) ainsi que la chargée de mission radicalisation de la Préfecture n’ont pas souhaité que la société civile et associative puisse intervenir sur un thème qu’ils estiment ne relever que de leurs uniques prérogatives"

 

On se croirait sous Badinguet..... 

C'est inquiétant."

 

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ZÉNITUDE D’UN DIMANCHE DE PLUIE

 

20 octobre 2019

 

Clair de lune

Sur l’eau noire de l’étang.

A l’ombre des feuilles du saule

Plonge une grenouille

 

 

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UN COUP JE TE VOIS, UN COUP JE TE VOIS PLUS

 

10 octobre 2019

 

J’apprends aujourd’hui de la bouche du Président des États-Unis ce que je savais intuitivement depuis longtemps mais que je n’avais jamais vérifié ni documenté : les Kurdes de Syrie n’ont pas aidé l’armée américaine lors du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie. Eh bien, j’ai vérifié auprès des sources les plus sérieuses : c’est vrai !

 

Le Président Trump est pour moi une source de ravissement quotidien. Il me ramène à ma plus tendre enfance quand mon père cachait son visage derrière ses mains, se montrait puis se recachait et ainsi de suite - un coup je le vois, un coup je le vois plus - jusqu’à ce que j’éclate de rire.

Ainsi le Président américain n’hésite pas à nous confier que, bien qu’il ne boive jamais de vin, il préfère le vin américain au vin français. Il annonce une frappe militaire contre l’Iran puis y renonce le lendemain. Il brandit la foudre nucléaire contre la Corée du Nord avant d’aller huit jours plus tard embrasser le dictateur local. Il annonce des sanctions financières contre la Chine avant de les annuler puis de les réinstaurer. Il proclame son intention de retirer ses troupes de Syrie puis annonce qu’elles y demeurent sans cependant y rester. Etc.

 

Je n’en déduis pas pour autant comme notre intelligentsia germanopratine que Donald Trump est une brute inculte et pusillanime dont on ne peut que rire des incohérences et des foucades. De toute façon, sa popularité de 48% auprès de ses concitoyens et électeurs après trois ans de mandat devrait inciter pas mal de dirigeants européens à réfléchir. De fait Donald Trump est d’abord et avant tout un homme d’affaires. Avec tous les travers du genre : brutalité, impolitesse, grossièreté, rapacité, mépris des faibles, rouerie, dissimulation, mensonge….

 

Mais il a aussi la lucidité du maquignon. Il est bien placé pour savoir que l’armée américaine et les services d’action extérieure US ne sont pas à la hauteur de leur écrasante supériorité technologique. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et la demie victoire de la guerre de Corée, les forces armées américaines, après d’apparents succès initiaux rapides, ont perdu tous les conflits dans lesquels elles avaient été engagées non sans devoir abandonner piteusement le terrain ni sans laisser derrière elles des champs de ruines humaines et matérielles :  Baie des Cochons à Cuba, Viêt Nam, Cambodge, Liban, Somalie, Afghanistan, Irak et aujourd’hui Syrie. On ne relève en 70 ans qu’un seul coup d’éclat : l’invasion réussie en 1983 de la Grenade, îlot de 344 km2 au sud des petites Antilles, ex-colonie britannique, peuplée d’une centaine de milliers d’habitants déshérités, devenus « communistes » en 1980 et donc justiciables de l’intervention de 7000 US Marines qui sont venus sans trop de peine à bout des 800 gueux de l’armée locale équipés de pétoires antédiluviennes.

Il  sait aussi que l’activisme de ses services d’action extérieure s’analyse depuis plus de 60 ans en innombrables déstabilisations mortifères et instauration de régimes dictatoriaux et tortionnaires en Amérique latine (Chili, Argentine, Brésil, Nicaragua, etc.), au Moyen Orient depuis la chute - organisée de son propre aveu, par la CIA - de Mossadegh en Iran, en Asie du Sud-Est (Viêt Nam, Cambodge, Indonésie, Birmanie), en Afrique (Éthiopie, Érythrée, Soudan) et jusqu’aux frontières de l’Europe, en Turquie avec des coups d’État militaires « anticommunistes » qui ont fini par amener les islamistes au pouvoir et en Grèce avec le triste régime des colonels. À côté de ce bilan, les hordes d’Attila apparaissent comme un monôme d’étudiants en goguette et les dévastations induites répondent d’elles mêmes à la question que posait Gorges W. Bush au lendemain du 11 septembre : « Mais pourquoi nous haïssent-ils tant ? ».

 

Au-delà de ses foucades, Trump raisonne en comptable. Et le compte n’y est pas. C’est bien pourquoi il manifeste quotidiennement son mépris et sa méfiance à l’égard des militaires et des services de renseignement. Il se fâche peut être au dessus de ses moyens mais il est vrai qu’avoir dépensé pendant tant d’années tant de milliards de dollars pour se faire haïr de la terre entière et porter la responsabilité des pires tragédies n’est pas très productif et ses électeurs de l’Amérique profonde dont  la perception du monde ne dépasse pas les limites de leur comté ne manquent pas de le lui rappeler régulièrement. Il agit donc en conséquence et, finalement, s’en tire pas trop mal.

Le mépris affiché de nos élites européennes pour le rustaud de la Maison Blanche cache mal leur soumission cauteleuse à ses oukases. Qu’il décrète des sanctions économiques contre l’Iran et nos chefs d’entreprises s’empressent – le cœur fendu mais avec célérité – de les appliquer. Qu’il impose des « amendes » faramineuses à nos banques et entreprises qui ont osé contrevenir quelque part dans le monde à des lois américaines et nous payons sans sourciller. Qu’il affirme que l’Iran ne respecte pas les clauses de l’accord signé sur le nucléaire et nos medias s’indignent d’une telle violation en omettant de mentionner qu’après tout, si entorse il y a l’Iran la fait à un traité que les Américains avaient signé et que Trump a spectaculairement déchiré il y  deux ans sans que personne ne réagisse. Le régime des mollahs n’a évidemment rien de sympathique, mais accuser Téhéran de déstabiliser la région et de sponsoriser le terrorisme mondial alors que tous les terroristes qui ont frappé l’Occident depuis le 11 septembre 2001 sont inspirés, voire actionnés,  par l’idéologie salafiste wahhabite propagée par  l’Arabie Saoudite, pire ennemie de l’Iran chiite, confine aux slogans du « 1984 » de George Orwell : « La vérité, c’est le mensonge ».

 

De la même façon nos élites et nos medias relayent volontiers et abondamment la mise en garde récurrente de l’OTAN concernant le « danger militaire russe », réveillant le vieux fantasme du déferlement de l’Armée Rouge dans les plaines d’Europe centrale et le cliquetis des chenilles de chars à la Porte de Pantin. Je n’ai pas plus de sympathie pour Vladimir Poutine que pour les mollahs iraniens. Il est le chef d’orchestre de la prédation de son pays entamée dès les années 90 par les anciens du KGB alliés à leurs petits camarades oligarques. Mais en matière de danger sécuritaire et militaire, je m’en tiens à la base de mon expérience professionnelle : « Facts and figures », les faits et les chiffres. Le budget militaire de la Russie est d’environ 75 milliards de dollars par an. Soit à peu près celui de la France… ou de l’Arabie Saoudite. Celui des États-Unis est de 750 milliards de dollars, soit dix fois plus. L’armée russe dispose de bases ou d’implantations dans 6 pays (dont trois de l’ancien bloc de l’Est). L’armée américaine est présente dans 74 pays dont, en particulier, tous les pays limitrophes de l’Iran qui a donc toutes les raisons d’être inquiet.

Enfin il faut rappeler à nos élites que « les visages pâles ont la langue fourchue ». Quand Gorbatchev, certes pressé par la ruine de l’URSS, a consenti à l’ouverture du pays, à son démantèlement en États indépendants et à la levée de la tutelle sur les pays satellites, il avait obtenu en échange et pour neutraliser une réaction désespérée de ses généraux, que les Occidentaux n’enrôleraient pas les pays ainsi libérés dans des alliances et pactes hostiles à la Russie ou concurrents de son économie. Moyennant quoi, Américains et Européens se sont empressés de piétiner cet engagement et de faire adhérer tous ces pays à l’OTAN et à l’Union Européenne, jusqu’à y convier l’Ukraine, la Géorgie ou l’Arménie. Cela n’excuse en rien l’attitude menaçante et les interventions de la Russie dans ces pays mais cela explique une fébrilité qui ne doit pas grand-chose à un esprit de reconquête et beaucoup plus à une inquiétude profonde.

 

Si j’ai bien suivi les méandres de la « pensée trumpienne » qui ne fait d’ailleurs là que relayer celle de ses prédécesseurs, je comprends que son invocation récurrente du danger russe ne doit pas grand-chose à la réalité du danger mais beaucoup à la volonté d’inciter les Européens ainsi effrayés à augmenter substantiellement leurs cotisations à l’OTAN et à en décharger d’autant les finances US. Le comptable réapparaît ici. Et les Européens n’ont guère le choix puisque l’existence de l’OTAN, pacte organisé pour faire face au danger soviétique et qui aurait dû disparaître avec lui, a été prolongé contre toute logique avec comme principal objectif de « vampiriser » toute tentative d’émergence d’une politique européenne de défense commune, indépendante et autonome.

J’attends demain matin avec une impatience enfantine pour voir Trump me refaire le coup de « un coup je te vois, un coup je te vois plus ». En Chine ? En Syrie ? En Iran ? En Turquie ? Une seule chose est certaine : quoiqu’il fasse, nos élites et nos medias s’en gausseront mais fileront doux dans son sillage.

 

 

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PETITE SAYNETE ADMINISTRATIVE

 

6 octobre 2019

 

Le rideau se lève sur le bureau du Directeur de Cabinet du Préfet de Police

 

Monsieur le Directeur  de Cabinet – Monsieur le Chef du Service Informatiquede la Préfecture

 

Le chef du service informatique : « Monsieur le directeur, j’ai un souci avec un de mes subordonnés »

Le directeur de cabinet (levant le nez de son journal) : « Ah, oui ? Qui ça ? »

- « Un fonctionnaire de catégorie C du service de renseignement. »

- " Écoutez, mon vieux, de minimis non curat praetor, je ne vais quand même pas m’occuper de vos catégories C ! C’est votre boulot. »

- « Oui, Monsieur le Directeur, mais celui-ci présente un profil particulier. »

- « Ah bon ! Lequel ? »

- « Il s’est converti à l’Islam. »

- « Ce n’est pas illégal. »

- « Non, mais tout de même, se convertir à l’Islam quand on est Français de souche après tous les évènements de ces dernières années témoigne d’une certaine dérive et d’une certaine volonté d’affichage inquiétante. »

- « C’est vrai. Vous avez son dossier ? »

- « Le voici, Monsieur le Directeur. Il n’y a pas grand-chose dedans. C’est un catégorie C, vous comprenez ? ».

…. Le directeur compulse le dossier….

- « Oh là là ! Mais il est noir votre gars ! Vous m’avez dit que c’était un Français de souche ! »

- « Ben oui. Il est originaire des Antilles. Donc Français bien avant les Savoyards ou les Niçois. »

- « Exact. Mais du coup ça devient encore plus problématique. Il a montré des signes de radicalisation depuis sa conversion ? »

- « Rien de spectaculaire. Il refuse juste de serrer la main de ses collègues femmes et enfile un qamis pour aller faire ses prières dans une mosquée du coin pendant les heures de service. Et il se serait réjoui de l’attentat contre Charlie Hebdo. »

- « C’est vérifié ça ? »

- « Non mais j’ai toute confiance dans la parole de ceux qui me l’ont rapporté. »

- « Ça ne suffit pas. Ce ne sont que des paroles verbales. Pas de constat écrit. Et sur le plan du boulot, on peut trouver quelque chose ? »

- « Pas vraiment. Il arrive à l’heure et part à l’heure. Pas d’absences injustifiées. Et puis, c’est un catégorie C, vous savez. Personne ne s’occupe vraiment de ce qu’il fait tant qu’il ne fait pas de bêtise. »

- « Donc, rien à faire de ce côté-là.  Et si on le met à l’écart ou si on le vire alors qu’il n’a rien fait d’autre que d’afficher un peu trop visiblement ses convictions religieuses, certains syndicats et toutes les associations antiracistes ou anti-islamophobie vont nous tomber sur le dos. La presse et les medias vont assassiner le Préfet et on va tous se retrouver à la rue à cause du scandale. Le patron n’a vraiment pas besoin de ça en pleine crise des Gilets Jaunes et des Blackblocs. »

- « Mais, Monsieur le Directeur, ce type est quand même sur un poste sensible concernant les dérives salafistes. On pourrait au moins le muter dans l’intérêt du service sur un poste moins problématique. Le service des contraventions ou la gestion du parc automobile par exemple. On les a beaucoup déshabillés ces derniers temps. Ils ont besoin de personnel informatique. »

- « Vous rigolez ! Pour tout le monde, mutation dans l’intérêt du service = sanction déguisée. Votre type est fonctionnaire titulaire. Bien conseillé par ses amis « associatifs », il va aller chigner au Tribunal administratif ou même au Conseil d’État qui va nous crucifier pour traitement discriminatoire . »

- « Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ? »

- « Ben rien. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? Faites moi une note là dessus et gardez le à l’œil. Prévenez moi si ça s'aggrave.»

 

Le Chef du service informatique sort, le Directeur de cabinet reprend sa lecture de son journal.

 

Rideau

 

Note : Il s'agit là bien sûr d'une pure fiction. Toute ressemblance, etc. 

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DEVENIR EXPERT MEDIATIQUE DU TERRORISME ( POUR LES NULS )

 

5 octobre 2019 

 

Alors que j’étais encore en fonction en 2001 et que j’avais en charge – entre autres – le service de contre terrorisme de la DGSE après avoir consacré près de trente année de ma vie à cette ingrate discipline,  j’ai vu brusquement surgir sur les plateaux de télévision et entendu au micro des chaînes de radio un grand nombre d’experts du terrorisme dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Ils partageaient parfois la scène avec d’authentiques professionnels, journalistes ou chercheurs familiers de cette problématique que je connaissais et que je sentais le plus souvent accablés de ce voisinage mais en général trop polis pour remettre en cause ce choix imposé par des rédactions peu soucieuses de vérifier leurs sources.

 

Certains, et trop peu, de ces pseudo-experts attirés par la notoriété du sujet et la visibilité qu’il offrait ont été démasqués et plus ou moins bannis des medias. D’autres y sévissent toujours près de vingt ans après, profitant de la fébrilité des rédactions à trouver dans l’urgence des « experts de plateau » sans prendre le temps nécessaire à vérifier leur parcours et leurs compétences. Le turn over est en effet plus important chez les attachés de production que chez les pseudo-experts….

 

Ces constatations m’ont amené à étudier le phénomène et à en tirer un certain nombre de conclusions et de recettes permettant à tout un chacun d’accéder au statut envié d’expert (autoproclamé) du terrorisme sur les plateaux télé ou dans les studios radio :

 

1/ Résider à Paris ou en proche banlieue est le premier impératif absolu. Les chaînes de télé et de radio n'ont pas de crédits pour rembourser des voyages dans un rayon de plus de 20 km et pas le temps d’attendre plus de quatre heures pour meubler leur plateau. Donc, si vous habitez en province, abandonnez toute espérance dans ce domaine.

 

2/ Acheter ou louer une boîte à lettres dans un immeuble de bureaux ( de préférence à l’étranger où personne n’ira y voir et ça fait sérieux) sur laquelle on apposera une plaquette joliment gravée portant la mention "Observatoire international du terrorisme" ou " Centre d'étude du monde arabe et du terrorisme" ou "Cabinet d'évaluation du risque terroriste" ou toute autre dénomination du même genre.

 

3/ Faire imprimer des cartes de visite à votre nom mentionnant que vous êtes Président ou Directeur ou Secrétaire Général de l'organisme  désigné ci-dessus et y faire figurer l'adresse de la boîte à lettres ainsi que votre numéro de portable et une adresse e-mail facile à retenir.

 

4/ Réunir un certain nombre d'études et d'articles un peu anciens mais pas trop (deux à trois ans) publiés par d’authentiques experts institutionnels reconnus (universitaires, journalistes d'investigation spécialisés, fonctionnaires des services de sécurité, rapports parlementaires, etc.). Bien agiter le tout et en faire une synthèse démarquée en y ajoutant quelques prévisions anxiogènes susceptibles d'effrayer les bourgeois.

 

5/ Faire publier cette synthèse sous forme d'article ou de court essai dans n'importe quel journal à faible diffusion ou chez n'importe quel éditeur en mal d'audience et pas trop regardant en se présentant sous l’étiquette définie en 3. Ne pas se décourager, il faut parfois faire plusieurs tentatives

 

6/ Pour booster ses ventes, le service de presse de l'éditeur ou le rédacteur en chef du journal vous ouvrira les portes de quelques médias mineurs pour une première apparition.

 

7/ Il est impératif de ne pas rater cette étape qui constitue un examen de passage crucial et qui requiert un certain talent d’artiste. Il convient de se présenter ou se laisser présenter en laissant entendre (sans jamais le dire) qu'on a appartenu à un service de renseignement ou qu'on en a été très proche. Si les journalistes mentionnent cette appartenance, il ne faut jamais démentir ni confirmer mais prendre un air complice avec un petit sourire. De même, il faut laisser entendre qu'on entretient des liens (évidemment secrets et sur lesquels on ne peut s'étendre) avec des membres de la mouvance terroriste. Enfin il faut faire comprendre au spectateur ou à l’auditeur - sans le dire expressément - que la menace est grave et que le pire est à venir (ainsi que vous l'ont confirmé - sans précisions - les terroristes que vous connaissez ou leurs proches, ou d’anciens « collègues » bien informés).

 

8/ Si vous réussissez cet examen de passage, les portes des studios télé vous sont ouverts pour plusieurs mois ou plusieurs années. Au moins jusqu'à ce qu'un véritable expert vous ridiculise. Le risque est faible car les véritables experts sont rarement invités sur les plateaux télé. Ce sont des gens ennuyeux et difficiles à comprendre qui bousculent les idées reçues et la bien-pensance, qui se refusent le plus souvent à désigner le « bon » et le « méchant » dans une situation donnée, qui, en cherchant à comprendre l’horreur, donnent l’impression de la justifier, qui pointent du doigt les contradictions de nos sociétés, bref, qui dérangent et nuisent au nécessaire entretien des cerveaux disponibles pour la page de pub qui suit l’émission.

 

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COMMENT JE ME SUIS DECOUVERT JEUNOPHOBE

 

 

28 septembre 2019

 

Je comprends de nombreuses réactions aux commentaires hostiles à la prestation de Greta Thunberg à la tribune des Nations Unies que ceux qui critiquent son initiative se résumeraient à un noyau de has been « jeunophobes ».

 

Le glissement dialectique et sémantique est intéressant. Ainsi, quand on critique les propos ou les actions d’une personne, cela ne relèverait pas du débat d’idée et on ne serait animé que par le rejet collectif du groupe social ou humain auquel elle appartient.

 

Critiquer Vladimir Poutine ne pourrait être que le fait de russophobes primaires, les adversaires des idées de Benjamin Netanyahou seraient des antisémites, les esprits chagrins qui ont condamné le terrorisme de Ben Laden auraient ainsi exprimé leur islamophobie et les critiques de la dictature trentenaire de Robert Mugabe seraient évidemment des racistes voire des nostalgiques de l’esclavage. Toute contradiction, tout débat est ainsi évacué d’office et le contradicteur renvoyé à son insignifiance quasi criminelle

 

S’agissant de Mademoiselle Thunberg, ses contempteurs seraient donc des vieillards séniles méprisant la jeunesse et ne témoignant aucune compassion aux handicapés.

L’argument est inepte ne vise que maladroitement à dissimuler l’instrumentalisation de cette jeune fille que je veux croire sincère à des fins diamétralement opposées à ce qu’elle souhaite avec ardeur et à juste raison. Elle a droit à toute ma compassion d'autant qu'elle sortira sans doute brisée du rôle qu’on lui fait jouer.

 

Au XIXe siècle le capitalisme industriel expédiait les enfants pousser des wagonnets dans les mines. Aujourd’hui le capitalisme financier les envoie miner le terrain sur les réseaux sociaux. Immense progrès du monde nouveau.

C’est – comme on dit – de bonne guerre. Mais nos  élites, nos responsables politiques et nos medias ne sont pas obligés d’être dupes et encore moins complices.

 

J’en veux pour preuve ces quelques éléments vérifiés et recoupés par le collectif « Reporterre », actif pionnier d’une écologie résolue et responsable. Ils sont assez éclairants pour commencer à comprendre. Je cite :

 

" La belle histoire de Greta Thunberg commence le 20 août 2018. Ingmar Rentzhog cofondateur de la start-up We Don’t Have Time (Nous n’avons pas le temps) croise Greta Thunberg devant le Parlement suédois et publie un post émouvant avec sa photo attendrissante sur sa page Facebook. Nous sommes le 1er jour de la grève commencée par Greta. Le 24 août (soit 4 jours plus tard… quelle coïncidence !), sort en librairie une autobiographie mêlant crise familiale et crise climatique, Scener ur hjärtat, corédigée par Malena Ernman la mère de Greta, Svante Thunberg son père, Beata, sa sœur, et Greta. Les parents artistes - chanteuse lyrique et acteur - sont très connus en Suède ; Greta, pas encore.

En fait Ingmar Rentzhog et la famille de Greta se connaissent déjà bien et ont participé ensemble à une conférence sur le climat le 4 mai 2018. Peu de place au hasard donc, dans la rencontre « fortuite » à Stockholm, sur le trottoir devant le Parlement entre Ingmar et Greta.

Tout a été finement programmé pour transformer la jeune Suédoise en héroïne internationale, et ce, dès le 1er article paru dans le quotidien le plus lu dans le pays, Aftonbladet, quelques heures seulement après le post Facebook de Rentzhog.

We Don’t Have Time, la start-up que Rhentzog a cofondée en 2016, a l’ambition de créer un réseau social de plus de 100 millions de membres, qui influencera les hommes et femmes politiques et les chefs d’entreprise pour qu’ils agissent davantage contre le réchauffement climatique. C’est ce qui apparaît en tout cas dans leur plaquette web.

C’est là que ça se complique. Parmi les actionnaires de la start-up, on trouve les membres de deux familles interconnectées : les Persson, enfants du milliardaire Sven Olof Persson, qui a fait fortune, entre autres, dans la vente de voitures (Bilbolaget Nord AB) et les Rentzhog. Les deux familles d’investisseurs, qui se sont rencontrées dans la région du Jämtland, n’ont aucun lien avec l’écologie, ce sont des spécialistes de la finance.

En mai 2018, Ingmar Rentzhog est recruté comme président-directeur du think tank Global Utmaning, faisant la promotion du développement durable et se déclarant politiquement indépendant. Sa fondatrice n’est autre que Kristina Persson, fille du milliardaire et ex-ministre social-démocrate chargée du développement stratégique et de la coopération nordique entre 2014 et 2016. Via l’analyse des tweets du think tank, on observe un engagement politique fort, à l’aube des élections européennes, envers une alliance qui irait des sociaux-démocrates à la droite suédoise. L’ennemi étant « les nationalismes » émergeant partout en Europe et dans le monde.

Le 16 janvier 2019, Global Utmaning était fière d’annoncer sur les réseaux sociaux sa nouvelle collaboration avec Global Shapers, une communauté de jeunes dirigeants de 20 à 30 ans « dotés d’un grand potentiel pour jouer un rôle dans l’avenir de la société et qui travaillent à améliorer la situation des populations autour d’eux ». Ce réseau a été créé de toutes pièces par le Forum économique mondial de Davos  en 2011. Ses leaders entendent bien sauver la planète tout en maintenant la croissance économique et en réclamant encore plus de mondialisation. Tout un programme.

Je résume. Nous avons d’un côté une plateforme numérique en construction, We Don’t Have Time, qui a pris un réel essor il y a quelques mois grâce à Greta Thunberg, « jeune conseillère » de la fondation dirigeant cette plateforme. Précisons au passage que les centaines de milliers d’adresses mail collectées par Rentzhog valent de l’or. Et de l’autre, nous avons une famille de milliardaires comptant une ex-ministre qui investit dans cette start-up, puis qui embauche Ingmar Rentzhog dans un think tank développant les thèmes de la croissance verte, de l’économie circulaire, bref, de greenwashing.

C’est ce greenwashing qui permet au capitalisme financier de perdurer. Greta Thunberg se retrouve à servir ceux qu’elle fustige. Comme disait l’auteur du Guépard, « si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change » (Guiseppe Tomasi Di Lampedusa)."

 

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LETTRE OUVERTE AUX VOLEURS DE REVES  

 

23 septembre 2019

 

Rejeter dans l’atmosphère en deux ou trois siècles le carbone, le méthane et le soufre qui y  ont été patiemment piégés et confinés sous terre par le vivant durant 500 millions d’années ne peut à l’évidence que nous ramener aux conditions qui prévalaient au précambrien. Presqu’aussi peu confortables que celles qui règnent aujourd’hui sur Vénus avec ses 400° en surface et ses pluies d’acide sulfurique.

Notre modèle de croissance démographique, économique, industrielle et financière indéfinie et sans cesse plus précipitée dans un monde fini aux ressources limitées ne tient évidemment pas la route. Il y a urgence à revoir collectivement ce modèle.

 

Heureusement, Sainte Greta, soucieuse de ses propres émissions de CO2, est descendue de son voilier transatlantique immaculé (servi par 7 membres d’équipage venus tout spécialement en avion des États-Unis en Europe et payés avec son argent de poche) pour nous le rappeler avec beaucoup d’émotion et les larmes aux yeux devant l’Assemblée mondiale des Nations Unies. J’ai bien compris de ses propos que les adultes lui avaient volé ses rêves mais moins bien compris ce qu’elle proposait pour retrouver un sommeil apaisé. Je note qu’elle a décidé, à la tête d’un collectif, d’assigner en justice cinq pays qui seraient selon elle responsables de son futur ruiné : L’Allemagne, la France, le Brésil, l’Argentine et la Turquie. Vérification faite, ces 5 pays réunis sont à l’origine de moins de 6% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (dont seulement 0,5% pour la France). Les trois principaux pollueurs du monde, à savoir les États-Unis, la Chine et l’Inde sont exonérés de l’ire de Sainte Greta. On notera également l’absence remarquable de tout pays anglo-saxon à commencer par le Royaume Uni, berceau historique de la révolution industrielle et de l’exploitation intensive du charbon.

 

Quels naïfs ou démagogues intéressés ou bobos bêlants ont pu croire un instant qu'une autiste Asperger de 16 ans avait pu spontanément, de son propre chef et en toute fraîche autonomie « prendre une année sabbatique » (au cours de ses études secondaires....) pour mobiliser la planète et envahir le champ médiatique ? Ce ne serait que risible si ça ne recouvrait pas une dérive inquiétante de nos sociétés et de nos médias complaisants. Je joins ci-dessous à ce sujet un texte récent de Guillaume Bigot qui me semble (enfin....) valoir signal d'alerte sur ces dérives.

Historiquement, les seuls modèles de société qui ont instrumentalisé les adolescents pour dénoncer et stigmatiser les adultes (y compris leurs parents) considérés comme corrompus et « traîtres » au peuple, à la patrie, à la cause, etc. ne sont guère rassurants : Union soviétique stalinienne et pays asservis, Allemagne nazie, Chine de la révolution culturelle, Khmers rouges de Pol Pot, Afghanistan des Talibans, État Islamique….

 

Je suis persuadé depuis longtemps que dans nos sociétés occidentales, un éventuel danger totalitaire ne vient pas des brutes à front bas des mouvements d'extrême droite qu'on voit venir de loin, qui ne savent que brailler des slogans haineux et ineptes et n'ont aucune des qualités nécessaires pour conquérir et exercer le pouvoir dans des sociétés ouvertes et nanties.

Le vrai danger totalitaire vient des "Verts", ces jeunes bourgeois, contestataires aujourd’hui, élites dirigeantes demain (comme les « maoïstes » de 68), nés avec une cuillère d'argent dans la bouche qui méprisent le peuple et voudraient à ce titre le priver de tout ce dont ils ont bénéficié et bénéficient ad libitum au point d'en être écoeurés. Le danger vient de ceux là qui, par la violence des mouvements de rue, de la « désobéissance civile », du rejet des lois démocratiquement votées pour organiser le « vivre ensemble », entendent imposer à tous les autres un modèle de vie quotidienne, de pratiques alimentaires, vestimentaires, de moyens de résidence, de déplacements et de transports

 

Et le danger est d’autant plus grand que leurs slogans sont a priori séduisants. Mais à y regarder de près, le principal succès des Grünen allemands est d'avoir fait de l'Allemagne le principal émetteur de CO2 et pollueur de particules fines d'Europe par sa consommation irraisonnée de charbon et de lignite.

Ils veulent des « énergies renouvelables » mais s'insurgent contre les éoliennes ou les champs de panneaux solaires. Je n’ai ni les connaissances ni la compétence pour juger de la pertinence d’un barrage de retenue comme celui de Sivens, mais combien de barrages hydroélectriques auraient pu être construits en France si nos « écolos » promoteurs de ZAD avaient été là dans les années 50 et 60 ? En définitive, « l’écologie » vue par nos soi-disant « verts » qui s’estiment seuls propriétaires de l’étiquette « écologie » se résume à la trilogie « Interdire, Taxer, Punir ».

 

Et bien sûr, ils n'ont que mépris écrasant pour ces « sans dents » qui roulent au diesel, fument du tabac plutôt que de la bonne herbe, mangent avec gluten, n'ont pas le dernier modèle de smartphone et enfin (horreur !) font du spécisme en mangeant de la viande. Je songe à faire euthanasier mes chats qui font aussi du spécisme et se croient supérieurs aux souris qu'ils bouffent avec délectation. Sales bêtes !.

Mais d'ailleurs, est-ce qu'on ne fait pas du spécisme en se croyant supérieur aux carottes que l'on râpe ou que l’on jette vivantes dans une casserole bouillante ?. Ce n'est pas parce que nous ne voyons pas la souffrance des carottes qu'elles ne souffrent pas !

 

Les problèmes du dérèglement climatique, de la pollution, de l’épuisement des ressources sont réels et de plus en plus pressants. Mais ce n'est pas en punissant, interdisant et taxant les moins nantis qu'on apportera une solution. C’est par l’élaboration de consensus librement, collectivement et démocratiquement consenti à l’abri des pressions de « la rue ».

Au XIXe siècle et au début du XXe, on vivait sous le régime pesant d’un ensemble d'interdits moraux en tous genres. On pouvait cependant les transgresser en acceptant d'être mal vu comme les amoureux des bancs publics que chantait Brassens.

Sous l'impulsion des Greta Thunberg de tout poil, ces interdits moraux se transforment au XXIe siècle en interdits légaux qu'on ne peut plus transgresser sans risque judiciaire ou d’interdits sociaux dont on ne peut s’affranchir sans risque d’agression physique.

En 1970, on pouvait rire de tout mais pas avec tout le monde.

50 ans après on ne peut rire de rien avec personne, surtout pas de Sainte Greta.

 

Le progrès est en marche.

 

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Guillaume Bigot  dans CAUSEUR, 8 juin 2019

 

Jeanne d’Arc entendait des voix. Greta Thunberg voit des particules de CO2 dans l’atmosphère. Certes, son esprit crédule est quelque peu dérangé car la lycéenne de 15 ans souffre d’autisme asperger. Il n’en reste pas moins que sa croisade en faveur du climat paraît si juste et si urgente que le comité Nobel envisage de décerner son célèbre prix à la jeune Suédoise. Pour tenter d’éveiller les consciences de nos contemporains qu’un véritable état de delirium tremens s’est emparé de ceux qui nous gouvernent, il peut être utile de jouer à une devinette historique.

 

Petite devinette

 

J’étais un dirigeant politique qui a cessé totalement de manger de la viande pour ensuite devenir l’un des précurseurs du véganisme. Qui suis-je ?

J’aimais tellement les animaux que je préférais leur compagnie à celle des humains et que j’ai voulu mourir en même temps que ma chienne. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Ma conviction profonde c’était que l’être humain ne valait pas plus que

n’importe quel autre être vivant. En ce sens, je suis l’un des inventeurs de

l’antispécisme. Je suis…

La première mesure que j’ai prise en arrivant au pouvoir était d’ailleurs

destinée à protéger la nature. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Je ne suis pas un leader des verts français ou des grünen allemands, je suis Adolf Hitler.

 

Un point Godwin peut en cacher un autre

 

Qui ne connaît pas le célébrissime point Godwin ?

Cette manière de clouer le bec de son adversaire en lui trouvant un petit air de Troisième Reich. Le point Godwin est une corde élimée qui soutient souvent minablement l’argumentation de celui qui l’utilise, mais agit paradoxalement comme une corde de potence.

Trop de point Godwin tue le point Godwin.

La réduction ad hitlerum a été à ce point utilisée pour discréditer les populistes, les partisans de la nation, du référendum, du contrôle des flux migratoires ou les contempteurs de l’islamisme ! Elle a jeté le discrédit sur toute comparaison entre des phénomènes ou des idées politiques contemporaines et l’hitlérisme.

À tort.

Car s’il est une manifestation politique et idéologique actuelle qui possède une ascendance nationale-socialiste en ligne directe, c’est cette folie environnementaliste, apocalyptique, végane et antispéciste qui s’est emparée d’une partie de nos contemporains. Cette lame de fond évoquant un réchauffement climatique imparable, encouragée par un matraquage médiatique constant, est amplifiée par les programmes scolaires qui, dans notre pays, promettent à nos jeunes têtes blondes que l’avenir sera « décarbonné » ou ne sera pas.

Est-ce la peur de tomber dans la facilité et dans l’outrance du fameux point qui nous aveugle sur la filiation hitlérienne de l’antispécisme et de l’environnementalisme forcené ? Sans doute pas.

Luc Ferry et d’autres auteurs avaient déjà souligné la parenté entre l’écologie radicale (deep ecology) et l’idéologie anti-culturelle nazie. Une même haine de la supériorité de l’humanité sur la nature irrigue, en effet, les deux courants.

L’écologie actuelle est certes empreinte d’idéaux égalitaires et humanitaires, à défaut d’être humanistes ; ce que n’était évidemment pas le nazisme.

L’écologie de Jadot est une écologie de gauche tandis que celle des SS était une écologie de droite.

 

L’icône des marcheurs verts

 

Mais, ce qui est le plus dérangeant et, assurément, le plus effrayant avec nos marcheurs verts qui annoncent l’été éternel et mortifère du réchauffement, c’est le jeunisme sidérant dont ils font preuve.

Le véritable héritage caché d’Hitler est là. Dans cette soumission à l’opinion des enfants et des adolescents considérés comme une parole d’Évangile. Cette réaction témoigne non seulement d’un mépris pour la transmission culturelle, mais embrasse les caractéristiques les plus effarantes du national-socialisme, doctrine qui donnait raison aux jeunes parce qu’ils étaient jeunes.

La figure en passe de devenir une icône mondiale de ce qui est décrit par l’essentiel du monde adulte comme une salutaire prise de conscience est une adolescente suédoise atteinte de graves troubles de la personnalité. Une lycéenne de 15 ans souffrant d’autisme devant laquelle la plupart des chefs d’État se prosternent comme s’il s’agissait d’un oracle. Reçue partout, ses poncifs sont religieusement écoutés par les grands de ce monde comme s’il s’agissait de la Pythie de Delphes.

Multinationales, ONG, Nations-Unies, grandes puissances, médias, opinions publiques semblent suivre cette enfant aussi enchanteresse que le joueur de flûte du conte de Grimm. Tous sont fascinés et suivent aveuglément l’enfant prête à basculer dans un monde décarboné.

 

Le jeunisme, spécificité du national-socialisme

 

L’une des spécificités les plus repoussantes du national-socialisme résidait dans sa croyance que les adolescents voire les enfants n’avaient pas grand chose à apprendre des adultes, mais qu’au contraire, ils avaient tout à leur apprendre.

Dans le cerveau dérangé du Führer, les jeunes étaient une avant-garde destinée à sauver la nature et à accoucher d’une nouvelle humanité qui se résoudrait à occuper la place d’une espèce animale parmi d’autres. Depuis le Troisième Reich, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler seuls pour en remontrer au monde adulte.

Seul le mouvement nazi avait osé enrôler les jeunes, non comme tous les mouvements politiques en utilisant leurs qualités spécifiques d’énergie, de crédulité et d’enthousiasme, mais en les persuadant que les adultes corrompus et pusillanimes attendaient le salut à travers leur engagement.

 

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HUMEUR ATRABILAIRE

17 mai 2019

 
Je viens de lire cet article assez bien fait du magazine "Challenges" (dont je ne suis pas un lecteur assidu) qui est plutôt clairvoyant et m'inspire les quelques réflexions atrabilaires qui suivent. Vous noterez au passage que les droits des atrabilaires sont insuffisamment reconnus dans ce pays. J'envisage de fonder une association.
 

A force de vouloir faire prévaloir un "droit à la différence" sur le "droit à l'indifférence", à force de vouloir catégoriser et indemniser les "victimes" de tout (de la faim, du froid, des ondes, de l'oxyde de titane, du chant des coqs, du bruit, de la pluie, du vent, du braiement des ânes, des marées, des labos pharmaceutiques, des pesticides, etc. etc. (liste sans fin), la société française s'est "archipellisée" en îlots concurrents d'appels à la reconnaissance, au repentir, à la réparation, à la compassion jusqu'à l'hystérie…. ou à la cagnotte….

 

La gauche se veut (historiquement à juste titre) championne de l'antiracisme.... au nom duquel elle a "inventé" une France "Black-Blanc-Beur ". Elle  a ainsi enfermé chacun dans sa catégorie et le définit comme "autre" et différent (avec droits attachés).

 

Je note qu'on a placé les beurs en dernier (scandaleux comme d'habitude !), que tout est au masculin (quid des blackettes, des beurettes et des blanquettes ?), qu'on a oublié les "Jaunes" (et les Jaunettes) qui auraient toutes les raisons de se plaindre et de réclamer leur quota de compassion, et enfin que cette trilogie ne comporte aucune reconnaissance des droits des homosexuel.le.s musulman.e.s charentais.e.s totalement et injustement sous représenté.e.s dans les instances locales, régionales et nationales.

 

Le maître mot de la presse française est maintenant "l'émotion" (du bébé phoque estourbi au génocide nucléaire en passant par les accidents de trottinette) avec gros plans en boucle sur les bougies, les ours en peluche, les bouquets de fleurs, les cellules de soutien psychologique et, bien sûr, les marches blanches.

 

J'observe aujourd'hui que les deux zozos qui se sont fait enlever au Bénin sont éligibles à la "Médaille des victimes du terrorisme" qui, dans l'ordre protocolaire de la Grande Chancellerie, vient avant la Croix de la Valeur Militaire (anciennement Croix de Guerre) dont étaient titulaires ceux qui se sont fait tuer pour les sauver....

 

Quant à la justice, elle vient de reconnaître (et indemniser) le "préjudice d'anxiété" pour les électro-sensibles......

 

Pathétique.

 

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AUTOCENSURE IDEOLOGIQUE ET PENSEE UNIQUE

16/11/2016

 

Le Colloque sur la Syrie ("Les enjeux de la Syrie et de la région", qui devait se tenir le 26 novembre 2016 au Mémorial de Caen et auquel j'avais été invité à participer vient d'être annulé sur décision du directeur du Mémorial qui, après avoir donné son accord à la tenue de ce colloque il y a plusieurs mois, vient d'annuler cet accord au dernier moment.

Le directeur du Mémorial dit avoir pris cette décision de refus après avoir été alerté "par des réseaux sociaux" (sans autre précision) sur le fait que ce colloque réunissait "des militants d'extrême droite bien connus et des partisans de Bashar el-Assad ".... Il aurait tout de même été intellectuellement honnête de sa part de vérifier ces assertions avant de prendre sa décision.

 

Je ne connaissais pas tous les participants à ce colloque mais ceux que je connais ne sont ni d'extrême droite ni partisans de Bashar el-Assad, en particulier :

- Michel Raimbaud, ancien ambassadeur, ancien directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- René Nabaa, ancien correspondant de l'AFP à Beyrouth, consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève.;

- Richard Labévière, journaliste et écrivain, membre du Parti socialiste ;

- Joël Bruneau, maire UMP-UDI-Modem de Caen ;

- Gérard Bapt, député à l'Assemblée Nationale, groupe PS ;

- Adonis, philosophe et poète syro-libanais ;

- Jean Marie Schléret, député à l'Assemblée Nationale, groupe UMP, ancien président du Conseil national consultatif des personnes handicapées ;

- Majed Nehmé, directeur du journal "Afrique-Asie"; (ce journal créé par Simon Malley s'est illustré dans la lutte contre les dictatures arabes et africaines et dans la lutte anti-apartheid) ;

- ... et enfin moi-même, écarté de mes fonctions à l'été 2002 sous le soupçon d'appartenance au PS et de "jospinisme"....

 

Toutes ces personnes ne sont ni des militants d'extrême droite ni partisans ou soutiens des dictateurs. Certains, comme le poète Adonis, sont au contraire d'inlassables combattants contre la violence d'Etat dont ils ont été eux-mêmes victimes.

En ce qui me concerne,  j’ai été il y a plus de vingt ans le premier en France à essayer de prolonger les travaux de Michel Seurat sur ce qu’il appelait « l’Etat de barbarie ». Dans un très long article publié par la Documentation française, j’ai décrit en détail les méthodes et les mécanismes par lesquels Hafez el-Assad s’était approprié entre 1970 et 1990 – par la duplicité et la violence - l’ensemble de l’appareil d’Etat syrien au profit de sa famille et de sa communauté. Ce texte reste encore aujourd’hui - en France comme à l’étranger - l’une des premières références universitaires sur le sujet.

Je défie quiconque de trouver dans mes nombreux écrits, entretiens, conférences, le moindre soutien aux auteurs - quels qu'ils soient - des violences commises en Syrie ou ailleurs, le moindre soutien aux dictateurs et la moindre référence aux thèses de l'extrême droite, du conspirationnisme, de l'antisémitisme que je combats au contraire avec véhémence depuis cinquante ans.

J'ignore quels sont les "réseaux sociaux" qui ont alerté le directeur du Mémorial de Caen sur cette réunion de "dangereux fascistes". J'en ai trouvé un qui s'intitule "Gauche de combat" avec comme sous-titre "Gauchiste et fier de l'être". Il y en a sans doute d'autres mais je ne les ai pas vus. J'y note la présence de deux personnes qui avaient exigé en février 2016 de Mme Delphine Ernotte (Présidente de France Télévision) la mise à pied de Mme Samah Soula, réalisatrice de l'émission "Un oeil sur la planète", au motif que l'un de ses documenaires consacré à la Syrie ne leur convenait pas car sa description des atrocités commises par les djihadistes s'analysait à leurs yeux en un soutien implicite au régime de Damas.

En 2012, j'ai été catalogué comme "un membre de la légion brune de Bashar el-Assad en France" par un plumitif d'un grand hebdomadaire parisien pour avoir prononcé au cours d'une conférence sur la Syrie les deux phrases suivantes :

"Ce n'est pas parce que l'on se rebelle contre un dictateur qu'on est nécessairement un démocrate. Ce n'est pas parce qu'on s'interroge sur les méthodes, les moyens et les objectifs d'une rébellion contre un dictateur qu'on est  un partisan du dictateur".

 

Il semble que ces deux phrases aient fait définitivement de moi aux yeux de certains un militant d'extrême droite soutien des dictateurs.

Je suppose qu'il en va de même pour les autres intervenants à ce colloque.

Faut-il être gauchiste (et fier de l'être....)  pour avoir le droit de s'exprimer sur la Syrie dans ce pays ?

Faut il être gauchiste pour décréter qui a ou n'a pas le droit de s'exprimer sur ce sujet ?

Le colloque qui vient d'être annulé était ouvert au public de même que ses tables rondes.

Tout le monde, y compris les gauchistes (et fiers de l'être) pouvait venir s'y exprimer et faire valoir librement son point de vue.

Monsieur le directeur du Mémorial de Caen a préféré au dernier moment "casser le thermomètre".

Que les gauchistes et fiers de l'être défendent leur point de vue me paraît parfaitement légitime et je me battrai pour qu'ils puissent le faire librement même si je suis en désaccord avec eux.

Que les responsables institutionnels français cèdent à leurs pressions pour que ceux qui ne sont ni gauchistes ni fiers de l'être ne puissent pas s'exprimer me paraît constituer une grave menace pour la liberté d'expression.

 

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LETTRE OUVERTE AU DIRECTEUR GENERAL DE LA DGSE 

 

18/04/2016

Monsieur le Directeur Général,

 

Suite aux attentats de Paris du 13 novembre 2015 et à l’implication de certains citoyens belges dans ces attaques, j’ai été sollicité par l’AFP le 15 novembre et la chaîne de télévision Arte le 17 novembre pour fournir une évaluation personnelle sur cette implication.

 

Au cours des interviews ainsi accordées, j’ai relevé que :

1/ la gestion électoraliste et communautariste de certaines communes de la périphérie de Bruxelles – en particulier Molenbeek ( que je connais bien pour y séjourner régulièrement et y donner des conférences au Cercle local de la Morale Laïque ) - avait conduit depuis 30 ans à la constitution de dangereux foyers de radicalisation islamique.

2/ un certain nombre de responsables politiques belges, en particulier les bourgmestres de ces communes problématiques, avaient multiplié depuis longtemps les obstacles de tous ordres à l’action des services de sécurité destinée à endiguer les conséquences violentes de ces phénomènes de radicalisation.

3/ l’organisation et la sécurité des aéroports internationaux de Belgique, en particulier ceux de Zaventem et de Charleroi que je connais bien, laissait à désirer.

 

J’ai conclu de ces différentes constatations que la Belgique me paraissait vulnérable aux attaques djihadistes et constituait un point faible pour la sécurité européenne en général et française en particulier malgré l’inlassable dévouement et l’engagement des services de sécurité belges que j’ai pu mesurer lors de mon affectation à Bruxelles et que je n’ai jamais remis en cause.

 

Ces affirmations m’ont valu dès le lendemain la colère du Premier Ministre belge qui s’en est pris personnellement et violemment à moi dans différents médias. Vous avez répondu à cette colère en faisant adresser à l’Administrateur Général de la Sûreté belge une lettre qu’il a rendue publique ainsi libellée selon le quotidien flamand « De Standaard » du 21/11/2015 :

 

Monsieur l'Administrateur Général,

 

Depuis sa retraite, M. Alain Chouet a jugé utile de donner son opinion sur les attentats du 13 novembre.

- M. Chouet a quitté la DGSE en 2001.

- Depuis 14 ans, il n’entretient aucune relation avec notre service et ses personnels.

- Notre administration n'est pas en mesure d'interdire aux médias de recueillir les opinions de M. Chouet : ce dernier ne divulgue aucune information classifiée, puisqu'il n'en détient aucune.

-Sur le fond, les opinions de M. Chouet ne sont pas seulement fausses et injurieuses: elles sont aussi indécentes.

En vous exprimant toute notre gratitude pour l'aide indispensable de votre service.

 

 

Je n’ai jamais prétendu parler au nom de la DGSE que j’ai quittée définitivement il y a 9 ans (et non 14) après avoir quitté mes fonctions de Chef du Service de Renseignement de Sécurité en octobre 2002 (et non 2001).

 

Mes « dernières relations avec votre administration et ses personnels » datent de 2011. J’ai toujours scrupuleusement rendu compte de mes activités, propos et écrits, à vos prédécesseurs, même après avoir pris ma retraite en 2007, et j’ai reversé en 2011 les droits d’auteur d’un de mes livres à l’Association du personnel du Service. Il m’est revenu, peu après votre prise de commandement en 2013, que vous ne souhaitiez pas que ces liens soient maintenus. J’ai bien sûr respecté ce choix.

 

Je n’ai évidemment pas accès à des informations classifiées mais il n’en est nul besoin pour constater des évidences flagrantes. En effet, depuis que j’ai tenu les propos que vous incriminez en les qualifiant de « faux, injurieux et indécents », il est apparu de façon claire que :

 

1/ Le nom de Molenbeek est devenu le terme générique (utilisé même par des ministres français) et la marque déposée des localités de Belgique et de France devenues zones de non-doit livrées à l’activisme des bandes salafistes et réservoirs de djihadistes.

 

2/ Différents responsables des services de sécurité belges ont dénoncé en termes parfois très durs les obstacles permanents mis à leur action par certains responsables politiques fédéraux et locaux des communes concernées et de l’ensemble du pays. Je joins ci-dessous à ce courrier le pamphlet intitulé « J’accuse ! » rédigé le 22 mars 2016 par M. Bernard Snoeck, ancien responsable du contre-espionnage et du contre-terrorisme au SGRS (Service Général du Renseignement et de la Sécurité) belge où il dénonce avec violence les faits que je n’avais fait qu’évoquer (voir ce texte en cliquant ici).  D’autres policiers, fonctionnaires et militaires des services de sécurité belges avec qui je suis resté en contact, et dont je salue encore une fois l’engagement, m’ont transmis les mêmes doléances.

 

3/ Il apparaît le 15 avril 2016 dans la presse belge que «  Les manquements en personnel et en organisation à l'aéroport de Zaventem avaient été soulignés dans deux rapports confidentiels (datant de 2011 et 2015) de la Commission européenne. » et que « Madame Jacqueline Galant, Ministre belge des transports, a dû présenter sa démission après avoir été accusée par son administration d'avoir refusé à plusieurs reprises d'octroyer les moyens nécessaires au renforcement de la sécurité dans ces lieux sensibles. »

 

À la lueur de ces constatations, il semble que les opinions que j’ai livrées à l’AFP et à Arte au lendemain des attentats du 13 novembre n’étaient ni fausses ni, donc, injurieuses. Quant à leur « indécence », il s’agit d’une appréciation subjective que je ne discuterai pas.

 

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Directeur Général, les assurances de ma haute considération.

 

 

 

 

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